Je suis tout imprégné de mer et sur ma tête écument les nuées
Dans le jardin de Gulhané voilà que je suis un noyer
Un vieux noyer tout émondé le corps couvert de cicatrices
Nul ne le sait ni toi ni même la police.
Dans le jardin de Gulhané voilà que je suis un noyer
Et tout mon feuillage frémit comme au fond de l’eau le poisson
Et comme des mouchoirs de soie mes feuilles froissent leurs frissons
Arrache-les Ô mon amour pour essuyer tes pleurs
Or mes feuilles ce sont mes mains j’ai justement cent mille mains
De cent mille mains je te touche et je touche Istanbul
Mes feuilles ce sont mes yeux et je regarde émerveillé
De cent mille yeux je te contemple et je contemple Istanbul
Et mes feuilles battent et battent comme cent mille cœurs
Dans le jardin de Gulhané voilà que je suis un noyer
Nul ne le sait ni toi ni même la police.
Nazım Hikmet
Anthologie poétique
Traduction de Hasan Gureh
Temps Actuels, 1982