L'arbre dans la forêt. Ni plus grand ni plus beau.
Mais c'était le printemps. L'arbre sentit la force
De la terre monter au ciel sous son écorce.
Ce fut cet arbre-là que choisit cet oiseau.
Chante, chante pour moi. Tu es la voix du monde,
Tu es la joie de vivre, et ton chant éclatant,
C'est le bonheur, en équilibre, au bord du temps,
Tu es l'éternité gonflant chaque seconde.
Pour toi s'ouvre l'espace et le ciel est plus près
De l'immense désir qui monte de la terre
Dont la secrète voix sans toi devrait se taire.
Ainsi l'arbre et l'oiseau, dans l'immense forêt.
L'hiver abattit l'arbre aux branches protectrices.
Quelle importance ? Un arbre en moins ? Qui donc le sut ?
A peine la forêt un temps s'en aperçut,
Le printemps referma bientôt la cicatrice.
Seul l'oiseau se souvient. Sous une autre ramure,
Quand il chante la vie et l'amour, on entend
A jamais dans sa voix au retour du printemps
Au profond de son chant une infime fêlure.
Jacques Charpentreau
Ce que les mots veulent dire
Editions Vie Ouvrière