Mes grands troupeaux d'arbres, parqués dans les enclos du ciel
Suant le vert
Poudreux et lourds des courses des collines
Mes bêtes, ces forêts nourries de pierre et d'eau
La gorge ouverte, le cœur chaud dans l'aubier blond de vos poitrines
Arbres, bagnards du jeune été
Qui portez (rivé à vos pieds) le gros boulet rond de la terre
Chevaux de feuilles
De lumière
Arbres, compagnons destinés
Depuis plus de cent mille années nous conversions à mots couverts
J'étais du sol quand vous rouliez dans le sang circulant de l'air
Semence errante à surplomber la craie délitée des nuages
Puis survint l'embolie des nuits qui, mieux que rassembler, partage
Pareille, ô si pareille aux fouets dans les camps où la mort rumine
Sur les beaux hommes déportés que le coup planté droit termine
La hache à sang, la hache à bois
La hache à mourir comme on doit
Arbres ! allumés sur nos haltes
Seul y voit clair qui bien s'exalte
Luc Bérimont
Poésies complètes, tome 1
Le cherche-midi éditeur, 2000