Ruisseau, ô toi qui passes murmurant
De ta voix de cristal cette chanson,
toi qui passes, ruisseau, toujours chantant
en offrant tes eaux - ta bénédiction -
toi qui connais la vie, ô toi qui sais
la riante allégresse de l'amour :
les yeux des oiseaux , que te disent-ils ?
T'ont-ils parlé de moi, de ma souffrance ?
Je suis un vieil arbre, un arbre lassé
avec dans ses pleurs, le sel de sa peine ;
je lève les bras mais, hélas ! jamais
n'arrive vers eux la consolation.
J'ai tant espéré les heureux bourgeons,
que je suis, j'avoue, fatigué d'attendre.
Le tendre printemps n'est point apparu.
Serait-il, petit ruisseau, dans ton chant ?
Avec mes moignons torves et noirâtres
j'ai l'air d'un fantôme sur la prairie
si verte et si gaie. Je suis là vaincu
et seul, et très seul, en mon affliction.
Mes racines s'agrippent à la terre,
elles sont crispées par le désespoir.
Les fleurs avec leurs nuances timides
ont vécu ma fidèle soumission.
Je suis un vieil arbre, un arbre lassé,
avec dans ses pleurs le sel de sa peine ;
je lève les bras mais, hélas ! jamais
n'arrive vers eux la consolation...
Traduit de l'espagnol par Claude Couffon
Pablo Neruda
Les Premiers Livres
Gallimard