De l'amandier tige fleurie,
Symbole, hélas ! de la beauté,
Comme toi, la fleur de la vie
Fleurit et tombe avant l'été.
Qu'on la néglige ou qu'on la cueille,
De nos fronts, des mains de l'amour,
Elle s'échappe feuille à feuille,
Comme nos plaisirs jour à jour.
Savourons ces courtes délices,
Disputons-les même au zéphyr ;
Épuisons les riants calices
De ces parfums qui vont mourir.
Souvent la beauté fugitive
Ressemble à la fleur du matin,
Qui du front glacé du convive
Tombe avant l'heure du festin.
Un jour tombe, un autre se lève ;
Le printemps va s'évanouir ;
Chaque fleur que le vent enlève
Nous dit : « Hâtez-vous de jouir ! »
Et, puisqu'il faut qu'elles périssent,
Qu'elles périssent sans retour !
Que les roses ne se flétrissent
Que sous les lèvres de l'amour !
COMMENTAIRE
|
Un jour, en revenant de Terracine à Rome, je m'arrêtai à Albano. C'était au mois de février : les collines étaient roses de fleurs de pêchers et d'amandiers. Une jeune fille de Laricia, village voisin d'Albano, passa auprès de moi ; et, détachant de sa tête une couronne de ces fleurs que ses compagnes lui avaient tressée, elle me la jeta en me souhaitant bonheur. Elle était plus belle que ce printemps et plus rose que ces fleurs. Je pris le rameau en souriant, et je l'attachai à la voiture. Le soir, j'écrivis au crayon ces strophes. Arrivé à Paris, je les donnai à une charmante jeune femme, pour qui ces vers furent un triste présage : elle mourut dans l'année. C'était madame de Genonde. |
Alphonse de Lamartine
Œuvres
Éditions Lemerre
Mireille - La vision du poète
Carte postale
Original au Museon Arlaten, Arles