Pour être digne de son arbre, le poète
doit affirmer qu'il est à la fois son écorce
et sa racine. Il faut en échange que l'arbre
s'identifie par un effort de chaque feuille
à son poète. Ainsi, exaltés l'un par l'autre,
ils font face à ce monde où tout est hostile :
les hommes qu'aussitôt le poète incommode,
et les arbres que l'arbre a l'air de déserter
au premier mot qui apparaît sur ses bourgeons.
Pourtant le couple a belle allure : un homme vert
avec ses fruits tendus jusqu'au cœur des étoiles,
et le platane - à moins que ce ne soit un orme -
qui récite à haute voix un poème bizarre
en trottant dans la ville, heureux de son destin.
Alain Bosquet
Notes pour un pluriel
Gallimard