I
Il y a un petit arbre
seul et laid et qui se balance
langueur noire dans le ravin noir
Il a deux branches et un tronc et le silence
et il ressemble à un homme qui a trop souffert
enchaîné et enseveli sous la terre
Il ne se rappelle pas beaucoup de jours
il ne se rappelle ni neige ni pluie ni vents ni herbes
même l'oiseau en lui ne tresse pas de nid
Il reste ainsi nu comme une croix
et comme un homme cloué en terre
et il semble qu'un mort te sourit
Une bouche de sable et un corps de pierre
II
Cet arbre sec et seul
a les yeux des vents du sud
qui regardent au-delà de nombreux couchants
Mais les vents ne viennent pas dans ce ravin
oublié de Dieu et de tout
dans des ténèbres qui se refroidissent
Et des eaux et des rochers obscurs s'écroulent
avec le cri des bêtes sauvages
pour ronger ses écorces
Et cependant il semble qu'il reste en vol
et les vents rêvés le nourrissent
qui regardent au-delà de nombreux couchants
Et dans ce ravin le couchant n'est pas un couchant
III
Car où il n'y a pas de soleil il n'y a pas d'aurore ni couchant
le crépuscule n'est pas non plus ce crépuscule devant lequel on pleure
il n'y a ni espace ni temps ni solitude.
Tout est sourd. Rien n'existe.
Mais l'arbre pousse. Il pousse lentement.
Sans le savoir.
Là, seule la terre dit doucement
que quelque chose se passe.
En elle est une source ténue
qui sait tout.
Mateja Matevski
La poésie macédonienne
Les Éditeurs Français Réunis