L'arbre que l'hiver creuse et qu'il délabre
De terre à ciel est un chemin battu,
Avril aux tendres mains quand viendras-tu,
Quand, rallumer tout le grand candélabre ?
Flamme debout qui ne brûle et ne bouge,
Ruisseau qui coule en remontant :
Le feu sans doute a quitté son masque rouge,
L'eau sa robe couleur du temps,
Et s'embrassant dessous la terre dure
Ils se sont fécondés en se battant
Pour qu'un surgeon de la lumière obscure
Jaillisse ainsi dans le ciel de printemps.
Corps nuageux vertébré comme un mont,
Flancs que perce un oiseau, qu'ouvre la brise ;
L'été respire à son vaste poumon.
Le grand soleil en mille nuits se brise
Folles de lunes vertes, d'astres troubles
Dans les bas-fonds, et sa face dédouble
Le bleu du ciel en un sommeil de lac,
Une source s'y joue et son murmure
En ces grottes de vie aux sourds ressacs
D'un rêve d'eau ranime la ramure.
Lui, couronné de paix et de verdure,
Lui, jubilant d'oiseaux, lui blanc de fleurs,
Lui, nourri de discorde et fort de heurts
En qui la lutte élémentaire dure;
Le tronc farouche au sommet de sa tour
Ourdit ses nœuds, ses fourches, ses détours
Et se poussant de rupture en rupture
Maintient, victorieux, l'architecture,
Pour coucher son automne en la couleur
Du feu dont il est fait, comme en la leur,
L'homme qui saigne et le soleil qui meurt.
Lanza del Vasto
Le chiffre des choses
Denoël