Les cheveux dans le vent gras et huilé de la ville,
Il contemple le monde qui l'entoure : Vil.
Enfermé entre deux colonnes d'immeubles gris,
Écrasé sous la masse de fumée fade crachée par l'usine d'ici.
L'ambiance est lourde, les moteurs grondent,
Les klaxons crient, l'onde
De son dépasse le mur de ses tympans et perce ses oreilles.
Même la nuit les lumières trémoussent, ses yeux brûlent en
éveil.
Où est la paix ?
C'est une vraie guerre qu'il mène,
Contre lui-même,
Pour s'enfuir de ce monde parfait.
Il passe souvent sur la grille magique,
Qui laisse échapper une vapeur infecte des profondeurs mysti-
ques.
Sentir son pantalon se gonfler dans ce souffle chaud,
L'amène toujours à imaginer la jupe de Marilyn Monroe.
Les cloaques et la cigarette roulant à ses pieds fument comme
sa bouche dans le froid.
Serait-il comparable à ces déchets jetés dans le monde béton-
né ? Désarroi !
Comme les contours de la plaque d'égouts,
Ses lèvres se craquellent, s'effritent à son plus grand dégoût.
Slalomant entre les crottes et chewing-gum du trottoir,
Il arrive à son banc réparé et retagué pour y choir.
Un papier d'hamburger emporté dans l'air s'envole
Lui gifle la joue aussi insupportable qu'une vérole.
Il l'attrape le déchire violemment, agacé
Et le jette dans la poubelle cassée
Il est temps pour contrer la fatigue de penser.
Muni d'un crayon et d'un morceau de papier, il se met à rêver
Il s'évade dans le seul arbre face à lui.
Courant dans les branches, caressant les feuilles rassises,
Il saute d'arbres en arbres et s'enfuie dans la forêt infinie.
Les rayons du soleil transperçant nuages et feuillus font briller
son pelage roux de son corps menu
Il est écureuil, papillon, colibri...
Il plonge dans les fleurs au parfum délicieux
S'allonge en douceur sous les arbres mystérieux
Qui lui font de l'ombre fraîche le jour
Et qui cachent la lumière du ciel la nuit.
Seuls les oiseaux chantent et les feuilles bruissent sous ses pas.
Ses cinq sens se développent à nouveau après leur trépas.
Mais d'un coup un bruit abominable lui éclate les tympans.
Le cri profond d'une tronçonneuse le réveille brutalement.
Des hommes en vert coupent sa forêt, son bois, son arbre, sa
vie, son souffle, son oasis.
L'arbre est malade ici, il faut le déraciner.
Ebène
Poèmes en saisons
Publibook, 2008