Forêts, la nuit, hantées d'une invisible mer
dans les cintres du silence d'où tombe
et nous frôle en volant, telle une apparition
chuintante, l'effraie au masque d'argent...
Forêts, pleines d'arbres inconnus, pleines
de clairières inconnues, d'herbe aux senteurs
irrespirées, forêts où l'on s'enfonce comme
en une mémoire étrangère, débusquant involon-
tairement un chevreuil aux réflexes d'étoile filante,
un sanglier grognon défouisseur de champignons,
ou quelque tribu d'écureuils qui, pareils aux poètes,
soudain s'élancent dans le vide, et se raccrochent
chacun à sa façon aux ramures de l'autre rive, là
où ne vaguent d'ordinaire que fées et magiciens.
Xavier Bordes
À jamais, la lumière
Gallimard, 2001