à J. Vaništa *
j'écris forêt et forêt est
je dois je vais en forêt chercher du bois
il est temps qu'il fasse plus chaud
j'ai peur
alors je chante
je chante forêt et forêt n'est plus — je suis
comme je suis humble comme je suis puissante
l'arborescence c'est ce qui est le plus à moi
je veux m'effondrer je veux me repentir
à travers
dans la forêt
les oiseaux en bois dans l'oreille me
tombent — et feuilles sont-elles
et la forêt a pleines mains de frayeurs
et la forêt a les yeux circulaires des bêtes
et avec le souffle dédoublé
le feu
allument-ils
qu'est-ce que c'était cela — mon pas trébuché
qu'est-ce que c'était cela — nue est la verticalité
j'écris forêt et forêt n'est plus
la limpidité de l'œil est
figée
je voyais les chevreuils pleurer
je sortais juste de la forêt. je voyais
presque tout était embroussaillé à peine que se
démêlait dans la forêt le buisson. il brûlait
parlait :
celui qui dans l'œil a l'autel
dans l'œil il lui parlait : meurs
que tu meures. pourquoi tu ne meurs pas
j'arrivais tout juste. sinon j'aurais sûrement
effleuré trouvé
palpant cette source d'où l'on pleure. ma petite
boucle
d'oreille voyait. petit silence à moi. que dans
nulle oreille
je ne puisse m'évader. car toute de sauvagerie
je suis
et attachée à promptitude. je voyais. je suis gris
cristal de roche
je voyais les chevreuils pleurer les pleurs
avançaient sur moi
comme l'odeur suit la pomme et sertissaient ses
pores, à qui
à qui écrivent ces goupilles blanches, je ne les
égarais pas
sinon j'aurais palpé la source d'où l'on meurt
dessiné cette forme larmoyante, et les pronoms
démonstratifs. qu'ils pleurent à jamais
à la place de cet autre homme
(et en automne quand à nouveau j e
venais j e
voyais : tout a autour de soi son châle
blanc
et ne m'entend pas ne m'entend pas)
Anka Zagar
Poème mis en français par Nora Bourek
Cahiers Bleus, n° 16, 2004
* Josip Vaništa, peintre croate né en 1924.