La feuille que tu vois dans ce jardin désert
Se balancer encore au bout de ta charmille,
Où tu passas l'été pour admirer l'ormille,
Est le seul souvenir d'un automne disert.
Dans le dépouillement de l'arbre, elle a bien l'air
D'être, plus que ses sœurs dont le gazon fourmille,
Ta seule, inaltérable et survivante amie,
En t'offrant, du passé, le merveilleux dessert.
Lorsque l'hiver aura dépouillé ce vieil arbre,
Cette feuille, en glissant sur le banc gris de marbre,
Où tu rêvas jadis, restera ton trésor.
Et peut-être qu'un jour en ramassant les feuilles
De tes ans révolus, le temps, gardien de l'or
Comprendra quels parfums en elle se recueillent.
Jean Kobs
Le kobsar de l'exil - Tome II
Points et Contrepoints, 1974