S'il y eut des racines, elles restaient dans l'obscurité, s'activant de trop haut pour que nous puissions les percevoir. Le tronc plongeait en diagonale vers l'abîme. Et, fulgurant, toujours, il s'incurvait sur la droite et la gauche... Pour ainsi former le monde, en vérité, où de longs rameaux de lumière et d'ombre alternent — immobiles, vibrants, s'articulaient. Et la croissance, tu pouvais la reconnaître encore, venant du côté opposé. C'est issue d'en bas qu'une force, tout, vivifie. Elle monte, assurée, s'infléchit glorieusement vers une splendeur pressentie... Et peut-être se trouve-t-elle préalable ? L'épanchement s'élargit toujours. De grands gestes, on dirait, pour déployer d'épais ensembles qui tournent, se démultiplient, confondus, traversés. Pour balayer ou pour informer le chaos, arbre innombrable infiniment... Était-ce une chute ou l'ascension ? C'est l'événement : le monde qui naît — déjà se reconnaît. Dans l'inaugurale irruption sont inscrits les vagues de la mer et, saisons, labours. |
André Frénaud
Nul ne s'égare
Gallimard, 1986