1
Le soleil dans les branches de ses milliers d'épées
fugitives et blondes
forme et défait sur l'ombre terrestre
des lumières diffuses :
pensée inquiète qui sait et ne sait pas
qui elle est et ce qu'elle cherche...
2
Le temps est en automne un lent fleuve
chaste et glacial, mais sans un tremblement
j'entre serein dans le bois, paysage
de floraison de fond de méandre,
immobile proprement,
et je vais à la dérive,
et je m'imprègne jusqu'à l'os de jus aigres,
content comme un liège libre et creux...
3
Lorsque arrive la nuit
le bois est de charbon au lieu de feu
et bouleversé il comprend
que tout le jour il a brûlé mais était aveugle.
4
Absorbé dans sa rumeur
comme en une pensée,
le bois soupire distraitement ;
comme une mère absorbée
qui pour d'autres tristesses
soupire... (mais qui soupire d'amour).
5
Bois, masse d'aveugle verdeur
qui ensevelit un souffle de mémoire...
Tomás Segovia
Cahier du nomade
Choix de poèmes 1946-1997
Traduction de Jean-Luc Lacarrière
Gallimard, 2009