- Mais toi, arbre
A la lisière de la nuit ?
- J'écoute le récit de l'oiseau
Perdu dans mon ombre sur la branche basse
- Que dit l'oiseau devant la nuit
Arbre vrai
Quand son chant est leurre
Pour l'errant trop facile à ta question ?
- Je regarde le sommeil monter de la terre
Et t'envahir, toi, parleur
Quand tu dors je récite le collier de tes pleurs :
Dans mes rameaux, des buées
- Et toi, arbre
Lumière dispersée
Piège de l'instant
Quel conseil au passant tard
Quel discours d'ailleurs à l'amant ?
- Je vois le songe étourdi des heures
Revenir comme un sang au corps
De la terre immobile et neuve
Où boit le nuage du temps
- Et toi, arbre
Orme immobile
Sur ta colline où bat l'averse
Que dit le vent de l'orée
L'humide ennui, la caverne des larmes ?
- Je n'ai pas de refuge ou d'heure
Je vois le travail des anges sauveurs
Dressés dans les plis de la pluie
Et le temps fondre avec toi
- Et toi, arbre
Sueur de la nuit
Mensonge du rêve
Guériras-tu le questionneur ?
- Dors, ami, apaise ton âme
Loin de nos discours
(Et quel arbre ouvert dans tes veines
Pourrait regrouper tes détours ?)
Jacques Chessex
Comme l'os
Grasset