Il me semble aujourd'hui mieux comprendre les arbres
Qu'autrefois, du temps où le front
Contre leur tronc ils me transmettaient leurs pensées
Tout de sagesse et d'austérité
Ces germes qui naissent en moi
Comme un pollen de mimosa s'envolent
Avant qu'il soit besoin de les penser
Comme un arbre je me propage
Au gré du vent J'essaime Je voyage
Enchaîné à des racines qui ne me retiennent pas
Casanier à la façon d'un vieux pin tordu
Je me fie aux récits des oiseaux Je délie
Au long de mes amples branches la course des écureuils
Parfois un pivert toctoque à ma porte d'écorce
Mais je n'ouvre pas Je suis fermé
Pour toujours sur le blanc secret de mon aubier
Cette sorte d'or liquide qui circule en moi
Les jours d'été surtout lorsqu'il est plus aisé
A mes aiguilles de coudre l'innombrable lumière
J'évite d'en laisser sourdre la gemme
Pourtant il arrive que se r'ouvrent parfois
Les anciennes blessures et ma vie
Saigne un peu Et c'est alors que la coulée
Hasardeuse se fige en poème.
Xavier Bordes
Villa l'Uppiane