13 avril 2013 6 13 /04 /avril /2013 06:23

 

Saint, saint, saint le Seigneur qu’adore la colline !
Derrière ces soleils, d’ici nous le voyons ;
Quand le souffle embaumé de la nuit nous incline,
Comme d’humbles roseaux sous sa main nous plions !
Mais pourquoi plions-nous ? C’est que nous le prions !
C’est qu’un intime instinct de la vertu divine
Fait frissonner nos troncs du dôme à la racine,
Comme un vent du courroux qui rougit leur narine,
            Et qui ronfle dans leur poitrine,
Fait ondoyer les crins sur les cous des lions.

 

 

    Glissez, glissez, brises errantes,
Changez en cordes murmurantes
La feuille et les membres des bois !
Nous sommes l’instrument sonore
Où le nom que la lune adore
À tout moment  meurt pour éclore
Sous nos frémissantes parois.
Venez, des nuits tièdes haleines ;
Tombez du ciel, montez des plaines,
Dans nos branches, du grand nom pleines,
Passez, repassez mille fois !
Si vous cherchez qui le proclame,
Laissez là l’éclair et la flamme !
Laissez là la mer et la lame !
Et nous, n’avons-nous pas une âme,
Dont chaque feuille est une voix ?

 

 

Tu le sais, ciel des nuits à qui parlent nos cimes ;

Vous, rochers que nos pieds sondent jusqu’aux abîmes
Pour y chercher la sève et les sucs nourrissants ;
Soleils dont nous buvons les dards éblouissants ;
Vous le savez, ô nuits dont nos feuilles avides
Pompent les frais baisers et les perles humides :
            Dites si nous avons des sens !
Des sens dont n’est douée aucune créature,
Qui s’emparent d’ici de toute la nature,
Qui respirent sans lèvre et contemplent sans yeux,
Qui sentent les saisons avant qu’elles éclosent ;
Des sens qui palpent l’air et qui le décomposent,

D’une immortelle vie agents mystérieux ! 

Et pour qui donc seraient ces siècles d’existence  ?

Et pour qui donc seraient l’âme et l’intelligence ?
           Est-ce donc pour l’arbuste nain ?
           Est-ce pour l’insecte et l’atome,
           Ou pour l’homme, léger fantôme,
           Qui sèche à mes pieds comme un chaume,
           Qui dit la terre son royaume,
Et disparaît du jour avant que de mon dôme
Ma feuille de ses pas ait jonché le chemin ?

Car les siècles, pour nous, c'est hier et demain !!!         

 

 

   Oh ! gloire à toi, Père des choses !
Dis quel doigt terrible tu poses
Sur le plus faible des ressorts,
Pour que notre fragile pomme,
Qu’écraserait le pied de l’homme,
Renferme en soi nos vastes corps !

 

 

   Pour que de ce cône fragile,
Végétant dans un peu d’argile,
S’élancent ces hardis piliers
Dont les gigantesques étages
Portent les ombres par nuages,
Et les passereaux par milliers !

 

 

   Et quel puissant levain de vie
Dans la sève, goutte de pluie
Que boirait le bec d’un oiseau,
Pour que ses ondes toujours pleines,
Se multipliant dans nos veines,
En désaltèrent le réseau !

 

 

   Pour que cette source éternelle
Dans tous les ruisseaux renouvelle
Ce torrent que rien n’interrompt,
Et de la crête à la racine
Verdisse l’immense colline
Qui végète dans un seul tronc !

 

 

Dites quel jour des jours nos racines sont nées,        

Rochers qui nous servez de base et d’aliment !
De nos dômes flottants montagnes couronnées,
           Qui vivez innombrablement;
           Soleils éteints du firmament,
Étoiles de la nuit par Dieu disséminées,
           Parlez, savez-vous le moment ?
Si l’on ouvrait nos troncs plus durs qu’un diamant,
On trouverait des cents et des milliers d’années
Écrites dans le cœur de nos fibres veinées,
           Comme aux couches d’un élément !

 

 

    Aigles qui passez sur nos têtes,
Allez dire aux vents déchaînés
Que nous défions leurs tempêtes
Avec nos mâts enracinés.
Qu’ils montent, ces tyrans de l’onde ;
Que leur aile s’ameute et gronde
Pour assaillir nos bras nerveux !
Allons ! leurs plus fougueux vertiges
Ne feront que bercer nos tiges
Et que siffler dans nos cheveux !

 

 

    Fils du rocher, nés de nous-même,
Sa main divine nous planta ;
Nous sommes le vert diadème
Qu’aux sommets d’Éden il jeta.
Quand ondoiera l’eau du déluge,
Nos flancs creux seront le refuge
De la race entière d’Adam ;
Et les enfants du patriarche
Dans notre bois tailleront l’arche
Du Dieu nomade d’Abraham !

 

 

    C’est nous, quand les tribus captives
Auront vu les hauteurs d’Hermon,
Qui couvrirons de nos solives
L’arche immense de Salomon.
Quand, plus tard, un Verbe fait homme
D’un nom plus saint adore et nomme
Son Père du haut d’une croix,
Autels de ce grand sacrifice,
De l’instrument de son supplice
Nos rameaux fourniront le bois.

 

 

    Nos rameaux fourniront le bois.
En mémoire de ces prodiges,
Des hommes inclinant leurs fronts
Viendront adorer nos vestiges,
Coller leurs lèvres à nos troncs ;
Les saints, les poètes, les sages,
Écouteront dans nos feuillages
Des bruits pareils aux grandes eaux,
Et sous nos ombres prophétiques
Formeront leurs plus beaux cantiques
Des murmures de nos rameaux.

 

 

Glissez comme une main sur la harpe qui vibre
Glisse de corde en corde, arrachant à la fois

A chaque corde une âme, à chaque âme une voix ;
Glissez, brises des nuits, et que de chaque fibre
Un saint tressaillement jaillisse sous vos doigts !
Que vos ailes frôlant les cintres de nos voûtes,
Que des larmes du ciel les résonnantes gouttes,
Que les gazouillements du bulbul dans son nid,
Que les élancements de la mer dans son lit,
           L’eau qui filtre, l’herbe qui plie,
           La sève qui découle en pluie,
           La brute qui hurle et qui crie,
           Tous ces bruits de force et de vie
           Que le silence multiplie,
Et ce bruissement du monde végétal
Qui palpite à nos pieds du brin d’herbe au métal,
           Que ces voix qu’un grand chœur rassemble
           Dans cet air où notre ombre tremble
           S’élèvent pour chanter ensemble
Celui qui les a faits, Celui qui les entend,
Celui dont le regard à leurs besoins s’étend :
Dieu, Dieu, Dieu, mer sans bords qui contient tout en elle,

Foyer dont chaque vie est la pâle étincelle,

Bloc dont chaque existence est une humble parcelle !

           Qu’il vive sa vie éternelle,

           Complète, immense, universelle ;

           Qu’il vive à jamais renaissant

           Avant la nature, après elle ;

           Qu’il vive et qu’il se renouvelle
Et que chaque soupir de l’heure qu’il rappelle
           Remonte à lui, d’où tout descend !!!

 

 

 

 

Alphonse de Lamartine

Choix de Poésies

Éditions Lemerre, 1944

 

 

 

 

 

 

Montfort - Les vieux cedres du Liban                   

 

Antoine-Alphonse Montfort          

Les vieux cèdres sur le Mont Liban

Musée du Louvre     

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Sylvie Gaté