Arbres des champs, arbres de la savane et des déserts
Qui procurèrent à la tige frêle sous le soleil aveuglant
L’ombre de vos bras épais,
Vous tamisiez l’ardeur brute des rayons qui pénétrèrent
Avec douceur la sève vive du germe nourrissant.
Arbre des champs, karité de la savane
Qui offrit à la tourterelle un juchoir pour son nid,
Sous ton nombril repose la marmite
Qui abrita la silhouette de la tige frêle.
Recharge-toi de feuilles inviolables
Pour cacher sous ton ombre doucereuse
Le dernier hymen de la terre en pleur.
À tes racines violées du soleil brutal
J’offre l’ultième goutte de mon corps
Pour que réverbère ton feuillage
Par un nouveau matin d’horizon noir-cumulus.
Dans un ciel paré d’arc-en-ciel,
La nuée bâtira alors un horizon robuste
Et un chapeau de mousse
Gonflé de brises ininterrompues
Pour la terre ressuscitée.
Arbres des champs, arbres de la savane
À vos corps délabrés et étranglés
J’offre mon souffle dernier
Pour que se renforcent vos voix inaudibles
Et deviennent plus tranchantes que le murmure du tonnerre.
Vous briserez alors le manteau d’acier ardent
Et ouvrirez les écluses du firmament.
Le ciel embrassera tendrement la terre
Et enduira ses lèvres de sa salive
Au goût d’un dolo mûri longuement
Sous l’ardeur d’un feu vespéral.
L’enclume reprendra place
Près du fourneau ardent.
Le coq chantera le réveil
La rivière et le colibri
Entonneront sous les flancs des collines
L’hymne à la tige frêle
Ressurgi de la terre
Tissé
Du souffle
Indissoluble
De nos
Aïeux.
Honorat Badiel
Murmures d'un œil solitaire, Livre 1
L'Harmattan, 1993