Que te murmure le sang dans les oreilles et aux tempes
quand c'est aux environs de février que dans le bois
encore desséché court le bruit
d'une vie qui recommence et, obscure,
gémit dans les animaux sans sommeil, s'agite
dans la mer et, par-delà la mer, dans des pays
riches et étranges où dans son cercueil de verre le fakir
s'éveille juste à temps au milieu des vipères ?
Dans les mois qui se succèdent, dans le printemps revêche,
un vent obscur appelle au travail
Par la nuit pluvieuse les graines
et les racines exténuées et les souches. C'est le temps
qui, souffle dans les cendres, ravive
les étincelles endormies, tire le sang
des anciennes blessures. Tout autour
les arbres familiers s'habillent de fleurs étranges.
Je revois mes femmes, ceux qui me furent chers,
entre l'un et l'autre temps, le vent, l'ennui.
Mario Luzi
Prémices du désert
Traduit de l'italien par Antoine Fongaro et Jean-Yves Masson
La Différence, 1994
♦
Gemma
Che ti mormora il sangue negli orecchi e alle tempie
quando è là di febbraio che nel bosco
ancora rinsecchito corre voce
d’una vita che ricomincia e oscura
geme negli animali insonni, s’agita
nel mare e oltre il mare nei paesi
ricchi e strani ove a tempo il fachiro
nella bara di vetro tra vipere si sveglia ?
Nei mesi alterni, nella primavera scontrosa
un vento cupo chiama alla fatica
per la notte piovigginosa i semi
e le radici esauste e le ceppaie. È il tempo
che soffia nelle ceneri, ravviva
le faville sopite, dalle antiche
ferite spiccia sangue. Tutt’intorno
gli alberi consueti mettono fiori strani.
Rivedo le mie donne, i miei cari,
tra l’uno e l’altro il tempo, il vento, l’uggia.