Bouleau sur la colline
Quand viendra ton printemps ?
Bel arbre sans désir, qu'attirent les étoiles,
Tu n'as jamais voulu connaître le dégel :
Dans le coeur de la nuit tu vibres de blancheur ;
Ton écorce est de neige ainsi qu'un jet de pierre.
Comme un cheval blanc pris dans des taillis de glace,
Qui se mettrait en marche après cent ans d'hiver,
Tu ne trouverais plus ta route vers l'été :
Ton poitrail se romprait sous les jeunes averses,
Le soleil roussirait ta crinière éclatée.
Mais la pluie, à grands seaux, lava les cendres blanches,
Creusant le roc jusqu'aux racines souterraines.
Le bouleau, tête basse, eut les narines pleines
De la pesante odeur amère de la terre,
L'odeur de ce qui brûle et meurt chaque printemps.
Mince arbre solitaire, entends-tu les mésanges
Gravir l'espace en fête autour de ton fût clair ?
As-tu vu scintiller entre les chatons gris
L'aileron de l'insecte éclos avec la nuit ?
Porteras-tu le deuil pour la mort de l'hiver ?
Voici venir un temps où toutes les choses meurent
Vite, sans nul souci, ni regret, et légères,
Un temps où les oiseaux becquettent les troncs lisses
Et font chanter les arbres blessés par leur vol,
Ouvrant profondément leurs nœuds comme une gorge...
Mourras-tu sans chanter, bel arbre solitaire ?
Livre ton corps au vent comme un oiseau de verre ;
Ses amoureuses mains, en courant sur tes branches,
Rempliront la forêt d'un sifflement de flûte.
Bouleau blanc, bouleau blanc,
Tu feras le printemps.
Claude Vigée
La corne du grand pardon
Seghers