Fleuve d’écorce et de racines
plonge aux ténèbres de l'argile
les fils de ta conscience obscure
Tends vers le noir tes doigts, tes veines, tes rides
et, sur tes épaules fragiles,
sens se fermer les bras bronzés du crépuscule...
Grand simulacre printanier
aimant des sèves du soleil,
Astre ramifié qui aspire
Les vagues de l'éternelle marée,
ta tristesse dort derrière la voilette d'avril
comme une femme derrière des persiennes aveugles.
Tendre aubier nourri du lait de l'aube
sévère et transparente fatalité d'ombre
dentelle de nervures
tu promets l'espoir du feuillage à la verrière
le pansement du lierre au mur aux cent lézardes
et la fraîcheur au banc des pelouses futures.
Les flammes du matin lècheront ta cime avant les autres
Tes frères écouteront l'âme du paysage
mais tu respireras plus haut que leur visages.
Hors des saisons, tu fixeras dans les nuages
le cycle de la pluie et le cycle des feuilles
et l'horizon qui rampe et porte sur le dos
les lumières du ciel et les foyers des villes.
C'est en cueillant la scabieuse
que j'ai retrouvé les mots
qui tournoyaient sans issue
avec leurs ailes coupées
avec ton nom dans la gorge.
Tu peux maintenant sortir de l'onde
confiance en robe d'algues.
Les mots sont venus le bec entrouvert
et planent avec des ailes neuves
La mer a jeté son gant frisé sur la côte,
et le double silence est si lourd de paroles
que le vrai discours commence
au sommet d'une tour blanche.
Louis Guillaume
Le coffret sous la cendre
Messein