Au bas du pré tu retrouves le frêne. On l'élaguait
Tous les deux ans pour donner aux chèvres sa feuille
En hiver, des fagots de ramille à ronger.
Et il poussait haut, élancé, avec des bosses
Le long du tronc et un bouquet de tête fier
Qui à tes yeux d'alors devait toucher le ciel
Et balayer au vent des lambeaux de nuages.
Un jour on a cessé de l'amputer ainsi
Périodiquement, et au long des années
Il s'est épanoui en boule comme si
Tout l'espace près du lavoir au bas du pré
Était son fief, suzerain de ce carré d'herbe
Et de grenouilles.
Il t'appelle encore souvent
Lorsque vacille en toi la flamme de la lampe
Comme s'il savait et te fredonne, doux,
Te redonne tout ce qui entre deux racines
Pour lui monte du sol et tout ce que là-haut
Il puise au ciel, à sa source la plus secrète.
François-René Daillie
Temps large
L'Escampette, 1996