il y en avait des arbres par la fenêtre
mais quand on est préoccupé de soi-même et de tous les autres
est-ce que l'on voit seulement les arbres
on le sait par expérience même si ce n'est rien du tout
même si ça n'existe pas l'expérience
et c'est pourquoi on se fiche des arbres
on se fiche des arbres
il y eut un temps où on ne parlait que de ça les arbres
est-ce que ça va recommencer
est-ce qu'on va se remettre à parler des arbres ah non pour ça non
et pourtant on ne parle que des arbres
parce qu'on a les arbres dans les yeux
parce qu'on a les arbres dans les oreilles
parce qu'on a la cervelle des arbres
et que les arbres c'est la plus belle chose
quand on ne peut se fier aux hommes
quand la vie elle-même ne peut plus se fier aux hommes
Paul-Marie Lapointe
Le réel absolu
Poèmes 1948-1965, Montréal
Éditions de l'Hexagone