Et le mot "arbre" vint à moi
au cœur du nid des rêveries
sèves vibrantes arrachées
aux sources vives de la terre.
Et l'arbre vint en son printemps
les bras tendus vers la lumière,
si plein de chants
si plein de feuilles
là où les nids veulent cacher
amours et luttes familières.
Arbre planté en son été,
grand chêne roi de la forêt,
arbre de vie
dans la clarté,
auréolé de force nue.
Si plein de vie
que j'ai senti
son eau profonde, son eau subtile,
monter des sources primordiales
vers les lumières essentielles.
Arbre-vie, arbre-monde,
toi qui portes le ciel,
aux replis de ta peau
s'est incrusté le temps.
Le glissement des souffles
arrache feuille à feuille
lorsque vente l'automne
chaque goutte du temps.
Mais le mot "bûcheron"
un jour s'est avancé,
les bras chargés de scies
les bras chargés de haches
et le grand arbre a su
qu'il lui faudrait finir
sa vie de chêne libre,
sa vie de roi d'ici.
L'arbre-vieux a senti
les couleurs douloureuses
des câbles constricteurs,
l'infernale chanson
des scies et tronçonneuses.
Écorché, mutilé,
il a versé sans bruit
les larmes de l'aubier.
Il connut le voyage
et il connut le feu
des forces ténébreuses.
Même en perdant son ombre,
l'arbre-sage savait
que toute mort apporte
les souffrances-passages,
avant que de s'unir
aux rêves éternels.
Et puis le mot "buffet"
lentement s'est dressé
aux mains du menuisier,
et l'abeille apporta
le soleil de la cire,
et l'on vit quelque main,
amoureuse du bois,
nourrir le meuble avide
au plus profond des fibres
et caresser les flancs
du chêne devenu
le somptueux gardien
du sel, du pain et du vin.
Alors réapparut,
- j'en suis sûre,
je l'ai vue -
chaude et discrète,
l'auréole de l'arbre
qui ne saurait mourir.
C'est le buffet qui a craqué...
De sa forêt a-t-il regret ?
Et le mot "arbre" vint à moi...
France Pacy
Volutes
Cahier du Cercle Angevin de Poésie, n°46
Éditions Émergences