Je connais un bois où les pieds bots les beaux pieds pieds de général pieds d'archevêque pieds de nez vont trois par trois comme les gouttes de rosée d'avril dans les allées du bois où l'amazone ne se promène plus depuis qu'en terre africaine elle incarne le sabre et le goupillon. Je connais un bois où les pieds de neige les pieds de miroirs font l'amour au son des tambours des films de Luis Buñuel tandis que les inspecteurs inspectent, que les inquisiteurs inquisitionnent, que les trombes trombonnent, que les policiers polissonnent, que les baisers braisent, que les exquis esquimaux escamotent l'oiseau drôle l'oiseau coca-cola du pôle. Je connais un bois où l'R de l'air éclate en dentelle de reine aux abois poursuivie par le serf armé de sa faux dans ses habits neufs d'incendie et de colère. Je connais un bois où coule la Vistule des voix, où le veau tète sa mère dans le vestibule des primevères qui sont de prime abord des soleils à cinq doigts. Je connais un bois somptueusement lacté où l'été Lætare se repose au bord des eaux du Léthé en attendant, agitée. Je connais un bois où luit la prunelle aurifère seuil de l'enfer exaltant comme un récit de Fenimore Cooper. Je connais un bois en peau de mystère en peau de boa un bois de cerf aux serres chaudes où pourrissent les fourrures des mers, les fous rires dominicaux des mères. Je n'y emmène que ceux que j'aime. Et ce n'est pas la peine d'implorer Jésus sur sa croix si ne vous aimant point je ne laisse pas la clé du bois sous le paillasson avec un poil de lama et les lèvres de ma chanson pour vous plaire. |
André Laude
Oeuvre poétique
Éditions de La Différence, 2008