À l'automne je guettais l'instant où la pomme de pin, longtemps serrée sur elle-même en signe de pudeur, s'ouvrirait aux élans féconds. L'obus vert et compact s'allégeait en pagode où les rangées d'écailles avaient choisi de supporter leur poids d'azur. Gonflées de vie, ces écailles que la Terre et le Ciel acceptaient jadis pour symbole n'auraient jamais consenti à voir leur brun pâle couvert de cette laque, cet or, ce vermillon qui ornent les étages des vrais temples. De la base au sommet du cône, les gousses ligneuses s'ancraient selon le même motif qu'on lit sur la peau des poissons. Pour cela je préférais mes fruits résineux aux tours polychromes gravies en Chine et au Japon. Il me plaisait de voir dans ces rangées de gousses — j'en comptais treize quelquefois — les cieux superposés où les futurs bouddhas attendent le moment de leur apparition sur terre. J'avais recomposé d'une pomme de pin la trame distendue de mes anciennes vies. |
Jean Orizet
La Cendre et l'Étoile
le cherche midi, 2005