Arbre marqué du forestier aux mains épaisses
Je vis de peu
Et mon domaine est sans espoir
En son orient, le pied chaussé de fougères
Je m’efforce de goûter aux heures des poussières d’or
Le rien de fraîcheur qui me reste
De ma cime je balaye les nuées difformes
Qui sont les mauvais rêves de l’aurore
Dans mes branches touffues je préserve
Les graines sombres du soir
Ne me tentent pas les sentiers environnants
Que fréquente la sauvagine
Au mieux aimerais-je m’enfuir
Vers ce monde inversé qui brille dans les flaques
Prisonnier de moi je demeure
Fasciné par l’Ailleurs
Cet Ailleurs que même le vent ne peut
Toucher sans que ne s’en trouble l’image
(Et l’on n’y voit plus que du bleu
Ce bleu des vitres de cristal sablé
Aux vagues reflets dépolis !)
J’écoute dans les fleurs les craquements d’une mer qui brûle
Au cœur de cette nuit qui est enterrée dans la nuit
Ne me parlez pas d’aimer — depuis longtemps
Je ne crois plus qu’aux longs roucoulements des tourterelles
Le brame du cerf me laisse insensible
Je suis un arbre marqué
De ma cime je balaye les nuées difformes
Je vis de peu de choses : désormais
Tout ce qui est humain m’est étranger.
Xavier Bordes
Villa L'Uppiane
sept. 2010