Tout ce qui me reste des amis de Bolivie
“Los Jairas” pour ne pas les nommer
Ce sont de rares photos (la plupart sont perdues)
Et quelques enregistrements où j’entends jouer des morts
Parmi les cyprès dehors je marche et je joue ces mélodies
Qui me rapprochent de temps lointains
El Gringo, Yayo Joffre, Alfredo Dominguez, Hugo Loza,
Ernesto Cavour, Julio Godoy et d’autres
Comme sonne tristement “la pastora” parmi les cyprès
Puis “chutunqui”, “amanecer”, “cerca del cielo”, “chacarera de Jacinto”
Plus de charangos ni de guitares pour m’accompagner
Les bombos se sont tus
Parmi les cyprès
On dirait une musique de deuil
Ce biseau sifflant de la kéna qui sanglote
Jadis quand nous jouions ensemble pour “taper le bœuf” comme on dit,
Ses airs me semblaient gais et entraînants
Les gueulantes joyeuses des amis aussi
“Arriba ! Arriba, Javier de la quena !”
Est-il un ciel où ils seraient en train
De taper le bœuf sans moi
Dans l’altiplano du Paradis ?
Parmi les cyprès je marche à travers la campagne
Et je joue ces mélodies qui me rapprochent
Des temps lointains
Mais point de charango ni de guitare pour m’accompagner
Les bombos se sont tus
Dans mon cœur le paysage est un grand cimetière
Où parmi les cyprès
Il ne reste que ma flûte solitaire
Et partout sur les feuilles les larmes de la rosée.
Xavier Bordes
Villa L'Uppiane
sept. 2010