La leçon des grands arbres est cette croissance,
ce grand dessin contre le ciel pour nos yeux.
Un jour c'est la chute inéluctable,
l'air béant où s'élevait le fût,
les demeures de feuilles (quand la silhouette
d'un jet sur l'horizon le signait de son paraphe).
Rien, plus rien, retour au sans forme :
sciure dont s'est nourrie la terre ou fumée dans le ciel.
Le terme, amer, est celui-là
qui couronne peut-être le généreux élan
sans calcul vers la lumière, la course
qui a déployé cette forme éminente
vers les nuages, le soleil ou la pluie
et qui semblait nous abriter aussi, passants
(destructeurs de notre amour).
S'il est ainsi, celui-là, à l'entrée du parc,
effacé du sol et du ciel natifs,
qui es-tu, toi
cela t'effleure, tu l'oublieraspour refuser de t'éployer selon ton faible élan,
de retomber enfin, à l'image d'un arbre,
asile des oiseaux, des abeilles et des songes ?
Paul de Roux
Entrevoir
suivi de Le Front contre la vitre
et de La halte obscure
Gallimard, 2014