Vert de chêne. Un autre vert.
Pas un vert allemand. Ô chêne caucasien.
À côté de Gagra, cette ville qui m'est chère.
À laquelle je fais amende honorable,
Parce que j'ai écrit un jour ce qui me heurtait :
J'ai écrit une image qui me déplaisait.
Mais je n'ai pas assez écrit
Ce qui m'y était
Doux : les jours soyeux.
Le grand orbe de l'horizon au-dessus de la mer.
La nuit antique plainte des cigales.
Et surtout le chêne, lourdement posé
Comme un torse rocheux au flanc de la colline.
Embrumé par la fumée de brindilles des jardins.
Où de vieilles mères aux mains de saintes
Lissent la vie et détournent le temps.
Sous ce chêne s'est approchée de moi une vieille,
Pareille à ce que fut ma grand-mère.
Elle est passée près de moi.
Et je suis restée accrochée à son odeur.
Ses jupes exhalaient des effluves de pain.
Et ses cheveux burinés sentaient le soleil.
Elle avait déjà le même âge et elle est peut-être morte.
Mais elle me suit des yeux jour et nuit
Comme elle me suivait des yeux. Pour elle j'étais
Lointaine et étrangère : blème négation
De sa vie entière. Mais pour moi elle se dresse
Dans l'ombre du chêne comme apparition de lumière.
Vert de chêne. Vert caucasien.
Pas un vert allemand. Le tout autre.
À l'encontre duquel rougeoient les sols argileux crevassés
Sur lesquels dans le vent du souvenir je chemine.
Eva Strittmatter
Du silence je fais une chanson
Traduit de l'allemand par Fernand Cambon
Cheyne, 2011
Eichengrün
Eichengrün. Anderes Grün.
Kein deutsches Grün. O kaukasische Eiche.
Auswärts von Gagra, der lieben Stadt.
Der ich Gesuch um Vergebung einreiche,
Weil ich einst aufschrieb, was mich da kränkte:
Ich schrieb über ein mir missliebes Bild.
Aber ich habe zuwenig geschrieben,
Was mir da mild
War: die seidenen Tage.
Der große Rundhorizont überm Meer.
Nächtlich alte Zikadenklage.
Und vor allem die Eiche, die schwer
Wie ein Felsstumpf am Hügelhang steht.
Vom Reisigrauch aus den Gärten unweht.
Wo alte Mütter mit Heiligenhänden
Leben glätten und Zeit abwenden.
Unter der Eiche kam mir eine Alte nah,
Wie es einst meine Großmutter war.
Sie ist an mir vorübergegangen.
Und ich habe ihrem Geruch nachgehangen.
Ihre Röcke rochen nach Backrauch von Brot.
Und nach Sonne roch ihr verwittertes Haar.
Sie war schon so alt und ist vielleicht tot.
Doch sieht sie mir nach über Tag und Jahr
Wie sie mir nachsah. Ich war ihr fern
Und fremd: eine bleiche Verneinung
All ihres Lebens. Doch steht sie für mich
Im Dunkel der Eiche als Lichterscheinung.
Eichengrün. Kaukasisches Grün.
Kein deutsches Grün. Das ganz und gar andre.
Gegen das die geborstenen Lehmerden glühn.
Über die ich im Wind der Erinnerung wandre.
Eva Strittmatter