Sur sa tige droite il s'élance,
D'un seul jet noble et pur,
Et retombe, enivré d'azur,
De flamme et de silence.
Sa verdeur, son âge premier,
L'éclat de la prairie
Qui rend une molle patrie
À ce tendre palmier,
Ravissent l'île enchanteresse
Et le sacré vallon
Où, frère et rival d'Apollon
L'arbre divin se dresse,
Ainsi, dans les temps anciens,
Sur l'écumeuse rive,
Ulysse à la fille attentive
Du roi des Phéaciens,
Confondant leur grâce jumelle,
Disait, chantait le los
De celui qu'il vit à Délos
Et sa gloire immortelle.
Sous les palmes, après avoir,
Dans les auges rustiques,
Battu leurs légères tuniques
Au courant du lavoir,
Une troupe d'adolescentes,
Sœurs de Nausicaé,
D'un chœur lentement partagé
En deux moitiés dansantes,
Fait résonner devant la mer
Couleur de violette
Le printemps nouveau qui s'apprête
À sortir de l'hiver.
Plus encore que la promesse
De ces rythmes secrets
Qu'insinue à tous leurs attraits
Leur flexible jeunesse,
Qui ne reconnaîtrait tes lois,
Ô juvénile arbuste,
Ta douceur, ta beauté robuste
Et pliante à la fois ;
Qui ne voudrait, de préférence
À leur groupe charmant,
Nourrir de ton embrassement
Sa plus chère espérance ?
Mais toi, si la brise à son tour,
Vers l'heure où le jour tombe,
Te soupire, avec la colombe,
Un cantique d'amour,
Dans sa bienheureuse indolence,
Ton faîte indifférent,
Au jeu de ce désir errant
À peine se balance.
François-Paul Alibert
La guirlande lyrique
Garnier Éditeur, 1925