Nous sommes faits à l’image des arbres
mais moins vaillants qu’eux hélas :
eux naissent debout
et ne se couchent que sous des vents de fin du monde
l’attente immobile de rien les justifie
ils ignorent l’ennui cette maladie d’homme
ils aiment nécessairement ce qui vient à eux
de la terre obscure et profonde
ils font vertu de feuilles de fleurs et de fruits
un soleil comme une pluie les contentent
un vol de passereaux les couronne
un arbre comme un homme frissonne
sous le baiser du ciel
mais il n’a nul besoin de la fable d’un dieu
pour en tirer la force qui l’élève
ô l’arbre qui boit le soleil puis la neige
qui dans l’orage échevelé se dresse face à l’éclair
il est l’obstination verticale
qui humilie l’homme au front baissé devant la mort
arbre muet en quoi le monde chante
libre contre son destin
parce qu’impavide ouvert à ce qui n’a pas de fin
dévorant l’espace
arbre dont l’insouciance fait signe dans le velours du soir
aux amants esseulés
aux animaux errants et aux âmes perdues
chose sans intention ni regret
qui ne compte pas ses feuilles
et dont l’écorce avale les blessures
corps affamé de ciel
solitude toute traversée
par la grande geste de l’univers
Jean-Pierre Siméon
Levez-vous du tombeau
Gallimard, 2019