à Jean Paulhan
Maison dans la matière du soir. Demeure de l'annonciation paysanne.
Accueil de prince, les murs nus.
Soleil et pluie mêlés font ta superbe robe, ô crinière des pluies cheminant
sur les eaux et survenants soleils de neige et de glaciers.
Maison de l'âge qui n'est plus, fraîcheur des caves et des voûtes, odeur
de bûches et de laurier.
Jardins d'oiseaux, jardin de la visitation des branches.
Règne d'arbres, chemin de la fleur mémorable, sentiers de flûte et
d'azalées.
Forêt qui porte à ton fronton le tambour des rhododendrons.
Regard plongeant d'escalier suspendu, marches de biche et croupe de la
jument noire.
Feuillage du cèdre du Liban, passages du faisan doré
Floraison dans la saison juste et rigueurs fortement plantées.
Grandes natures dans le ciel, encolures l'une vers l'autre qui hennissent
Matière du soir, acte de l'être sur le seuil
Murant murée tombe nuit couleur de laurier.
Henry Bauchau
Poésie complète
Actes Sud, 2009