Forêts grises. Feux couverts. Les collines désertes.
Le vent de la terre souffle dans le bois mort
bougeant à peine l'herbe de paille. La pierre humaine
a pris la couleur des rochers. Les genêts
de leurs fouets barrent les chemins. Des ruisseaux coulent entre les haies.
Dans le ravin les pluies ont emporté la passerelle.
Nuage et bleu : l'absence de personne, en face.
Un grand sommeil passe sur la terre lavée.
Dans le sommeil monte un cri de coq. Autre attente.
Un bruit de hache sourde au fond d'un hameau mort.
Les feuilles noires d'un bois de pervenches, à midi.
Mais toi debout dans les saisons du vide,
demi-sourd, demi-mort au centre troué de l'espace,
gardien du pays sans fond, des hameaux inhabités,
toi seul à qui je peux, forçant à peine ma voix, dire toi :
la couronne et les surgeons après la haie d'épines noires
plus loin que les halliers moisis, à la fourche entre les deux monts,
au point nodal d'où les chemins redescendent vers les villages,
ô reçois le mensonge du chant, mon début d'hymne imprononçable —
tu prends dans tes branches muettes un déchet d'espoir, de mémoire —
l'arbre entre veille et rien, la parole rompue —
Bout de bois. Buée dans le vent.
Marc Petit
Pierres d'attente
Dumerchez, 1996
L'orme de Brévoigne |