Innocent univers de feuilles En soupir autour d'un seul corps, Ombrage captif du soleil, Stables bras soulevés d'essors,
Édifice aux flottants étages, Érable au murmure aéré, Bonjour, gardien du paysage Fidèle à tes gestes dorés !
Je te reconnais dans l'espace, Attentif aux signes du ciel, Sensible à de secrets passages, Et ta vie appelle ma vie.
Me voici, fils d'un autre règne. Qu'il connaisse, ton bois puissant, Ces bras fraternels qui l'étreignent, Ta sève court, comme mon sang !
Si de souterraines amarres T'infligent des hivers d'ennui, S'il te faut l'aile des samares Pour disperser ailleurs tes fruits,
N'envie point cet être mobile Qui vient enfler ici sa voix : Il sort comme toi de l'argile Et n'est pas plus libre que toi !
Arbre, végétal majuscule, Vieux parent, je t'embrasse au nom De la primitive cellule Qui s'affola dans le limon ! |
Fernand Lot
Poésie : cahiers mensuels illustrés
janvier 1933