Les arbres habitaient la maison, profitant des orages pour introduire leur museau de feuillage par les volets disjoints jusqu’aux sournois portraits d’ancêtres aux barbes légendaires, que la guillotine guettait. Dehors, l’automne crépitait : feu de raisin et de coqs de bruyère à l’écart des solitudes métaphysiques où les mailles des syllabes capturaient une typographie d’abeilles. Dans des chambres dépourvues de portes, de fenêtres, envahies par des livres que l’ombre seule feuilletait, une horloge arrêtée demandait l’heure au temps sous l’œil sans tain des miroirs à la retraite, ressassant les reflets d’instants défigurés. L’effacement incessant du vécu se devinait à des altérations de l’agencement des choses, comme si la majestueuse ordonnance du monde se réduisait, après usage, à de l’espace plus ou moins chiffonné. Au point culminant de la nuit, l’insomniaque se laissait couler à pic au fond d’un mot cueilli au hasard, et l’infini s’avançait sous forme d’une voyante nue chargée de figues et de pêches dans l’aurore couleur d’agneau. |
Marc Alyn
Proses de l'intérieur du poème
Le Castor Astral, 2015