Si le monde est une série de formes qui s'emboîtent ; s'il n'existe réellement qu'un seul objet que nous décomposons pour le diversifier ; si l'œuf égale la graine ; si le pollen, la spore ; si l'ovule, l'archégone : ces interrogations ne sont que jeux de pensée qui rendent facilement ennuyeuses les personnes qui aiment la discussion. Les vrais philosophes sont de grands bêtes, car ils discutent ce qui existe. Quant à moi, je ne discute pas l'arbre sous lequel je me réfugiai pour éviter une pluie de grêlons. Qu'il était frais ! En l'écoutant retentir sous cette giboulée, j'avais la volupté de ne rien comprendre à cette série de phénomènes : un arbre, la grêle, que sais-je ? Il me semblait, comme Adam, assister à la création du monde, et que Dieu m'eût placé sous cet arbre sans me donner d'explication. Que trouver là de si étrange lorsque les systèmes ne compliquent pas les choses : au milieu de l'Univers, un homme réfugié sous un arbre battu par du grésil ? |
Francis Jammes
Pensée des jardins
Mercure de France, 1906