Un coup de dés malencontreux
L'ayant jeté en terre aride,
Assujetti par origine,
Il se pliait au sol pierreux,
Rabougri sous le ciel torride,
Mal assuré de la racine...
Tandis qu'il peinait, squelettique,
Obstinément, il méditait...
Un jour, poussé par une force,
Il fut en veine poétique,
Chassant l'ennui qui l'habitait,
Il rêva d'une belle écorce...
Il rêva d'un tronc vigoureux
Dressé dans toute sa stature,
Et ça lui donna du courage ;
Il rêva d'un ciel généreux,
De verte branche, de bouture,
Il rêva d'un bel entourage...
Peu à peu, il se charpentait,
Nourri de l'idéale image,
Prenait du corps et de l'élan :
Il s'affirmait, il existait,
Et, développant son ramage,
Il développait son talent...
Il y eut un chambardement !
Il fut arraché de la terre
Où, s'essoufflant, il végétait,
Et, soudain, par enchantement,
Un renversement salutaire
Le transplanta dans un bosquet !
Contre les effets désastreux
D'une impitoyable rigueur,
Rien ne vaut l'imagination...
Un coup de dés malencontreux
Ne peut arrêter la vigueur
Qui jaillit de l'inspiration !
Roger Massé
Plume aux quatre vents