Un bel arbre dressait sa tête vers le ciel,
Il dominait son entourage,
Il était noble et solennel
Et portait au loin son ombrage ;
Les arbustes à son côté
Faisaient piètres figures
Et bien qu'étirant leurs ramures
Ne se libéraient pas de son immensité.
« Pourquoi disaient-ils, la nature
Nous a-t-elle ainsi partagés ?
Nous sommes désavantagés,
Nous vivons dans le fond d'une caverne obscure ;
Jamais un rayon de soleil
Ne vient éclairer notre vie,
La lumière nous est ravie ;
Jamais les oiseaux au réveil
Ne nous bercent de ritournelles
Ni jamais les tourterelles
Ne viennent roucouler dans nos rameaux déserts ».
Grand seigneur le bel arbre écoutait sans rien dire,
Il était bien trop sire
Pour entendre sous les couverts
Les cancans de la multitude ;
Il avait perdu l'habitude
D'écouter les qu'en dira-t-on
Et la tête dans les nuages
Dominant chaumes et bocages
Nul appel ne venait troubler sa frondaison.
C'est pourtant lui qui paya, de sa tête,
Le soir où l'orage éclata ;
La foudre en un éclair lui tomba sur le faîte
Et par sa taille il protégea
Ceux-là qui critiquaient naguère
Sa grandeur et sa mine altière.
* * *
Il ne faut pas juger trop vite son prochain,
Ne pas croire la médisance,
Celui dont ce matin on enviait la puissance
Sera peut-être un malheureux demain.
15-8-80
Roger Bonhomme
Itinéraires
Malgogne - Angers, 1981