Le saule monte haut pleureur au-dessus des pelouses du bord de la Sarre. Son tronc, qui grimpe en vrille vers le ciel, toise ceux des platanes nains soulignant le cours de la rivière. Dans ses feuilles qui descendent en cascade se mélangent les rumeurs montées du nom des rues qui vont au quartier Sankt Johann, Goethestrasse, Uhlandstrasse, Rückertstrasse, Heinestrasse, Lessingstrasse. C'est un vieil adagio de poésie ; et le saule-témoin en confirme le rythme et le ton, malgré, venue du ciel, la fiente des oiseaux, et, montée de la terre, l'urine des chiens du quartier chic. Dans la soirée qui peu à peu prend la couleur de la rivière, le saule ressemble à un poumon respirant l'humide tiédeur de l'été, l'écho de lointains bavardages, et quelque chose, on ne sait quoi, venu d'on ne sait où. |
Sarrebrück, bords de Sarre, ce 6 août au soir.
Gil Jouanard
Le goût des choses
Verdier, 1994