Et, ultime bond, de mille étoiles polaires
l'abnégation s'abandonne à l'ordre,
comme l'homme, la pensée à la vitre, s'offre,
c'est la myriade en fleur du sophora qui éclate.
Elle est dure, et sait comment surgir
en chiffres et géométries éternelles.
Avec un son de gorge sur clef basse,
sévère, qui grimace et replie les sourcils
pour prendre la gamme de sincérité,
au sommet des phalanges de l'arbre
se tend le pâturage aux visages célestes,
la pampa blanche d'étoiles frémissantes,
seules en présence des marées du nuage
qui joignent purement les ailes
attendant d'ailleurs le flot des sanctions.
Au sommet du tronc de foudre pétrifiée
sur l'explosion des paillettes de l'arbre,
des fleurs, comme des mains enfiévrées
auscultent le ciel austère qui se refuse,
et d'autres corolles, phalènes identiques,
nerveusement osent affirmer, et postulent
en face du ciel de vêpres mortes,
derniers témoignages des terres
aux assises des nuées
où se tendent l'interdiction d'or
et la pourpre qui clôt l'empire du jour.
Les migrations de fleurs se précipitent,
triomphant dans l'obéissance sacrée.
Et ferventes prêtresses d'un orgueil qui s'ignore,
s'élancent des cornues d'étoiles
et des pyxides aux parfums
et toutes, prises au filet sagace,
arrêtent leur folle ascension
devant la vitre dressée du destin.
Épanouies comme des paupières d'ivoire
haletant, comblées de dévotion
et de l'ardeur d'accomplir leur destin
elles s'épaulent, foule drue accourue,
territoires d'étoiles, ivres de zèle
et tendrement folles
d'être la réponse suave et ardente
aux décrets magnanimes du divin.
La plénitude exaltée de leur vocation,
est dans l'ignorance des fins de leur chair.
Elles brûlent entre la terre et le ciel
comme mille collines d'abeilles de lait.
Coupole voûtée, or vieux du sophora,
devant la vitre mystique,
portique des cieux,
servantes du Dieu qu'elles ignorent,
elles, dernières étoiles de la terre,
sollicitent les marges rouges
du ciel que ferme la nuit.
Or, aux genoux du poète qui contemple,
un séquoia pénètre le nuage descendu
et ses racines sont les caves des termites,
et la chauve-souris, empruntant au nuage,
tend des fils noirs entre les astres.
Nohant, 1938
Jean de Boschère
Dressé, actif, j'attends
Choix et présentation par Michel Desbruères
La Différence, 1991