1
Et ils sont venus en bande, dans leurs chemises de tissu brun
Et rare était le pain, et de quoi faire des tartines.
Avec des bobards effrontés ils ont bouffé à vider les marmites
Qui étaient déjà vides à peu près.
Ici ce sera la grande vie, qu'ils disaient
Ici nous serons logés comme des princes, qu'ils disaient
Pour mille ans, ou davantage.
Très bien, disent les branchages
Mais il ne dit rien, le tronc.
Encore, encore, disent les convives
Jusqu'à l'heure de l'addition.
2
Et ils se cherchaient les bonnes places, on commandait des beaux
bureaux tout neufs.
Ils se sentaient comme chez eux, bien à l'aise.
Et ils ne comptaient pas, ne demandaient pas le prix :
Pour le plus gros, ils étaient hors d'affaire.
Ici nous serons logés comme des princes, qu'ils disaient
Et ils retiraient leurs bottes.
Très bien, disent les branchages
Mais il ne dit rien, le tronc.
Encore, encore, disent les convives
Jusqu'à l'heure de l'addition.
3
Et ils vident leurs pistolets dans chaque cervelle un peu normale
En s'y mettant à deux au moins.
Et puis ils prennent trois marks dans leur cagnotte.
Cette fois ça y était enfin.
Elle restera toujours pleine, qu'ils disaient
C'est pour toujours la belle vie, qu'ils disaient
Jusqu'à la fin du monde
Bon, bon, disent les branchages
Mais il ne dit rien, le tronc.
Encore, encore, disent les convives
Jusqu'à l'heure de l'addition.
4
Et leur barbouilleur barbouillait de barbouillage brun chaque lézarde
Et ils ont tout mis au même pas
Et si tout allait à leur guise, nous serions à tu et à toi :
Ils pensaient qu'avec nous ça ne ferait pas d'histoire !
Nous aurons là une vie de princes qu'ils disaient
Nous nous bâtirons un Troisième Empire !
Mais il ne dit rien, le tronc.
Encore, encore, disent les convives
Jusqu'à l'heure de l'addition.
Bertolt Brecht
Traduction par Armand Jacob
Poèmes 1930-1933
L'Arche Éditeur, 1966
Die Ballade vom Baum un den Ästen
Und sie kamen in ihren Hemden von braunem Schirting daher,
Und Brot und Brotaufstrich war rar.
Und sie fraßen mit unverschämten Reden die Töpfe leer
In denen schon fast nichts mehr war.
Hier werden wir 's recht toll treiben, sagten sie
Hier können wir wundervoll bleiben, sagten sie
Mindestens tausend Jahr.
Gut, das sagen die Äste
Aber der Baumstamm schweigt.
Mehr her, sagen die Gäste
Bis der Wirt die Rechnung zeigt.
Und sie suchten sich dicke Posten, neue Schreibtische wurden bestellt.
Und sie fühlten sich gänzlich zu Haus.
Sie fragten nicht nach den Kosten, sie sahen nicht auf das Geld:
Sie waren aus dem Gröbsten heraus.
Hier werden wir 's recht toll treiben, sagten sie
Hier können wir wundervoll bleiben, sagten sie
Und sie zogen die Stiefel aus.
Gut, das sagen die Äste
Aber der Baumstamm schweigt.
Mehr her, sagen die Gäste
Bis der Wirt die Rechnung zeigt.
Und sie schießen ihre Pistolen in jeden besseren Kopf
Und sie kommen mindestens zu zweit.
Und dann gehen sie drei Mark abholen aus ihrem goldenen Topf.
Jetzt waren sie endlich soweit.
Der wird immer schön voll bleiben, sagten sie
Da können wir 's lange toll treiben, sagten sie
Bis ans Ende der Zeit.
Schön, sagen die Äste
Aber der Baumstamm schweigt.
Mehr her, sagen die Gäste
Bis der Wirt die Rechnung zeigt.
Und ihr Anstreicher strich die Sprünge im Haus mit brauner Tünche zu
Und sie schalteten alles gleich.
Und wenn es nach ihnen ginge, dann wären wir auf du und du:
Sie dachten, da springen wir gleich!
Wir müssen es nur toll treiben, sagten sie
Dann können wir wundervoll bleiben, sagten sie
Und uns bauen ein drittes Reich.
Gut, das sagen die Äste
Aber der Baumstamm schweigt.
Mehr her, sagen die Gäste
Bis der Wirt die Rechnung zeigt.
Bertolt Brecht