Nous avons tous vu d'étranges enfants
Qui dansaient de nuit aux forêts prochaines
Ils allaient sans bruit des sapins aux chênes
Et puis se cachaient dans des trous de sable
En bas, la prairie, c'était une mer
Silencieuse et eux, là , sans se connaître
Ils croisaient leurs routes et ne parlaient pas
L'aiguille de pin, les glands, les brindilles,
Sous leurs pas légers ne murmuraient pas
Ils avaient leurs bras ballants et en vain
Ils auraient voulu les tendre, les tendre...
Ils aimaient leurs mains,
Et ils voulaient prendre
La clarté du ciel. Ils voyaient l'oiseau
Dormir sur sa branche,
Aussi l'écureuil dans le noisetier
Ils voyaient là-bas
Comme à la lisière
Mystérieusement des voiles danser
Et par la forêt toujours plus profonde
Et par les chemins du sommeil léger
Sans que rien n'eût dit leur présence vue
Seulement de ceux qui n'y étaient pas
Ils allaient chercher des regrets étranges
Que le jour tout nu soudain emportait.
1938
Pierre Seghers
Le Temps des merveilles
Seghers, 1978