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Arbre depuis toujours près du ruisseau dans la plaine reprenant les grands chants de mer et le patois des lavandières.
Venaient dormir dans les racines hommes et femmes des cultures, les musaraignes et les chats, après les guerres de famille.
Sur le tronc qui monte au ciel on lisait les signes rêveurs qu'inscrivirent les amants, les éclats d'obus, les couteaux des voyageurs insensés.
Les branches d'hiver portaient les nuages comme des enfants. Elles fuyaient au haut des neiges et elles redescendaient dans l'attente la plus fidèle.
Les feuilles furent des points d'or invisibles, puis éclatants, perdus dans les nombres de lumière, flottilles des longs jours de paix.
Un soir tous les oiseaux naquirent au cœur de l'arbre et peuplèrent la contrée de nouvelles batailleuses.
Un soir tous les oiseaux firent l'annonce de l'orage. Ils laissèrent flamber leurs cœurs et partirent pour l'océan.
Un soir l'arbre mourut s'abattit et devint plus grand qu'il fût jamais sur la terre étonnée, et le renard pleura. |
André Dhôtel
Illustration par Camille Claus
Élan, 1964