Moi aussi, survivant peut-être en arbre. Je regarde mes mains, les veines à suivre, les marées basses et le bleu moiré des flaques d'huile, le printemps, les rebelles, les racines à la base des doigts. Y aura-t-il un choix ? l'olivier pour faire les massues et s'épargner des peurs, le laurier des amours impossibles, l'arbre à myrrhe d'où surgissent les beaux enfants naturels ou plus sûrement le bleuet qu'on apporte au dessert, la luisante confiture de bleuet qui colorie les lèvres ? Je serai une cerise aigre, j'aurai le port juvénile et des reins de tigre, je serai une liane et l'enfant-jungle dans les films de l'Eldorado le samedi soir en famille ou encore le séquoia à chair rouge comme est rouge ma chair sous la hache qui fend ma poitrine, rouges aussi mes yeux particuliers ce soir, je serai survivant, un arbre abandonné mais soudain rejailli, arbre et compagnon des lunes. |
Jean-Louis Rambour
L'Hécatombe des ormes
Éditions Jacques Brémond, 2005