Un soleil jeune, éternel nouveau-né,
Se vautre avec moi dans la neige étale.
Père dit : Fils, il nous faut ramener
Du bois de la forêt. Et l'on attelle
Notre poulain gris-argent au traîneau.
La hache luit. Le jour neige-flamboie,
Déchiqueté par les soleils-couteaux.
L'haleine est d'étincelle qui poudroie.
On traverse la steppe aux ours dormants, la toile
Que le soleil tissa. La neige est tintement
Qui nous poursuit. Hier semées les étoiles
Au repos semblent geler instantanément.
Forêt. Lueur d'éclair aux branches sèches.
Fuite du loup, haleine qui souffla.
Et le mutisme en moi lance la flèche
De son écho dont me brûle un éclat.
Et toute neige est clochette de glace,
Dès qu'on l'effleure un son y retentit,
Son multiplié sitôt qu'il se casse.
Sous mon abri de neige un renard tout petit
Pointe soudain la langue puis se cache
Ne crains rien, renardeau ! Mon dos se chauffe au feu
De braises crépitant, j'attends que sur la hache
Du père le soleil s'éteigne peu à peu.
Retour chez nous dans la hutte paisible,
Mon âme encore errante en la forêt
Qui la protège et lui offre l'asile,
De ses rayons la réchauffe en secret.
De leur chanson me couronnent les astres
Que le vent souffla. Et l'on pleurerait
En leur honneur jusqu'à ce que s'efface
Le dernier arbre au fond de la forêt.
Branches, troncs coupés restent dans la neige.
La voix du père alors m'éveille : Allez !
En traîneau la lune nous fait cortège
Jusqu'à notre maison dans la vallée.
Avrom Sutzkever
Où gîtent les étoiles
Traduction du yiddish par Charles Dobzynski
Seuil, 1988