— Votre but ?
Fouiller. Fouailler. Forer. Forcer
— Votre plus fort désir ?
Faire sève et rêve avec la terre
— La terre, qu'est-elle pour vous ?
Notre ciel fidèle et friable
— Que vous suggère le mot source ?
Un démiurge qui murmure
— Et le mot temps ?
La nuit qui rampe
— À quoi aspirez-vous ?
Approfondir nos limbes et délivrer L'Immense.
Qu'elle soit poreuse ou dure, hostile ou accueillante,
qu'elle soit étreinte ou éboulis, la terre est notre
corps inexploré, notre royaume toujours inabouti.
— Rêvez-vous parfois d'en sortir ?
En sortir est l'affaire de l'arbre, une affaire d'élan vers le ciel.
— Vous croyez donc au ciel ?
Nous ne croyons qu'à l'arbre. À lui de croire au ciel.
Notre vie est tout entière ici, dans le firmament souterrain.
— Et dans le firmament, y a-t-il place pour les anges ?
Il y a les ailes à venir des anges encore emmaillotés,
nous les nommons chrysalides de la nuit.
— Peut-on parler alors d'une théorie de l'obscur ?
Ce sont là des mots que nous préférons éviter.
Un seul d'entre eux répond pleinement à nos désirs,
dit clairement mon aspiration, c'est le mot phréatique.
Il est dans la compacité et l'opacité de nos limbes,
le miracle liquide où s'étanchent nos soifs.
Jacques Lacarrière
À l'orée du pays fertile
Œuvres poétiques complètes
Seghers, 2012