Chopo muerto |
Vieux peuplier, Tu es tombé Dans le miroir De l'eau dormante, Inclinant ton front Devant le couchant. Ce n'est pas le rauque ouragan Qui brisa ton tronc, Ni la lourde hache Du bûcheron Qui sait que tu dois Renaître.
C'est ton esprit puissant Qui a réclamé la mort Lorsqu'il s'est vu sans nid, délaissé Par les jeunes peupliers du pré. C'est que tu étais assoiffé De pensées Et que ton énorme tête centenaire Solitaire Épiait les lointaines Chansons de tes frères.
En toi tu conservais Les laves De la passion En ton cœur La stérile semence de Pégase. La terrible graine D'un amour innocent Pour le couchant.
Quelle désolation Pour le paysage Que le héros des bois Sans ramage !
Tu ne seras plus le berceau De la lune, Ni le rire magique De la brise, Ni la canne d'un astre Chevalier, Tu n'auras plus de printemps En ta vie, Tu ne verras pas les semailles Refleurir. Tu seras le gîte des grenouilles Et des fourmis.
Tu auras pour cheveux blancs Les orties Et un jour le courant Souriant Emportera ton écorce Tristement.
Vieux peuplier, Tu es tombé Dans le miroir De l'eau dormante. Je t'ai vu sombrer Dans le crépuscule Et j'écris pour toi cette plainte Qui est aussi la mienne. |
¡Chopo viejo!
Fue tu espíritu fuerte
En tu cuerpo guardabas
¡Qué amargura tan honda
Ya no serás la cuna
Tendrás por verdes canas sonriente ¡Chopo viejo! Has caído en el espejo del remanso dormido. Yo te vi descender en el atardecer y escribo tu elegía, que es la mía. |
Federico García Lorca
Œuvres complètes
Gallimard, 1991