Ce jour est occupé par un peuplier. Rien jusqu'alors n'a su interrompre la sécheresse, seule la lumière varie comme dans un cloître désert dont on sent l'activité abstraite, lointaine, élevée. Le vent, toutefois, affole aujourd'hui ce pays devant ma fenêtre. Un peuplier, indice d'un ordre troublé, signe sur le ciel en tous sens, se froisse, lutte contre ses propres racines, cherche à défaire un lien. Les branches abandonnent le mât central, se détournent violemment, et puis reviennent, dociles par instants. Cet arbre irrité, dont hier l'ombre était nette comme celle d'un cadran solaire, donne corps à la brutalité du vent ; il se plie, se redresse, instrument reprenant souffle, et prêtant sa voix à un souffle plus ample. À moins qu'il ne perçoive mieux que nous un danger habitant l'air, il esquive des atteintes imaginaires ; maigre, désarticulé, illusoire face à la tourmente, il ressemble à un cavalier de légende, à un beau ténébreux dans l'été renié. |
Hervé Micolet
La lettre d'été
Cheyne Éditeur, 1993