Comme il est maintenant presque aveugle il sort peu
ses déplacements limités au minimum
— c’est ce qu’il te confiait naguère au téléphone —
ces derniers jours la lumière est plus douce, il peut
revoir un peu le monde et la fin de l’automne
il dit je suis sorti j’ai retrouvé la forme
d’une maison d’un arbre et c’était merveilleux
toi tu t’efforces de distinguer hêtre et charme
et chaque soir jusqu’à ce que tes yeux se ferment
tu as d’à peu près tout des formes plein les yeux
tu vois tu aurais meilleur temps d’être lucide !
un jour ou l’autre il faudra remettre à ton tour
— le vide c’est la forme et la forme le vide —
la joie d’être ébloui par les formes, ce jour
peut-être demain, nul moins que toi n’en décide.
Bertrand Degott
Plus que les ronces
Jegun, l'Arrière-Pays, 2013